Les moulins à scie

Moulin à scie Cushing

En 1854, c’est la fin du régime seigneurial. Les seigneurs perdent leurs privilèges sur l’ensemble des ressources du territoire, ce qui a pour conséquence de redéfinir les règles du jeu en matière d’exploitation de ces dernières. À peine trois ans après cette abolition, Cushing s’installe à Repentigny pour y construire un moulin à scie actionné par la vapeur. Cette forme d’énergie est novatrice. En effet, elle offre la possibilité d’installer le moulin au lieu le plus propice sans tenir compte de la présence de rapides ou de forts courants pour créer l’énergie requise. La présence de l’eau est toujours nécessaire, mais essentiellement pour transporter les billots vers le moulin et le bois scié vers les marchés.

En bordure du fleuve, juste en face de l’île Lebel, l’emplacement est idéal pour quiconque veut profiter d’un accès aux marchés de Montréal, de Québec et de l’Europe. Le chenal entre l’île et la terre ferme étant beaucoup plus important qu’aujourd’hui, il forme un grand entonnoir naturel qu’empruntent les billots pour être canalisés vers le moulin.

Le moulin Cushing est détruit par un incendie en 1890. Il était situé à l’arrière de l’actuelle boulangerie Marie-Pain; d’ailleurs celle-ci est en partie construite sur le terrain du moulin.

Les bureaux administratifs du moulin Cushing ont toujours pignon sur rue au 460, rue Notre-Dame. Seule une toute petite bande de terrain en bordure nord-ouest de l’île Lebel (l’Isle du curé) sera louée par les propriétaires pour accueillir des estacades et un quai.

Moulin à scie Charlemagne

Un second moulin à scie voit le jour en 1869, soit 10 ans après le moulin Cushing et c’est un autre moulin à vapeur, celui de L’Assomption Lumber Co. Son arrivée témoigne de l’évolution rapide de ce domaine alors même que s’amorce la véritable industrialisation du Québec.

Bien que les deux ont un accès direct au fleuve, ils utilisent un chenal créé par une île (Lebel à Repentigny et Vaudry à Charlemagne) pour produire un effet d’entonnoir facilitant l’acheminement du bois au moulin. Cependant, à Charlemagne, pour permettre aux billots de s’engager dans ce goulot, une longue estacade est aménagée dans la rivière de l’Assomption. Ses ancrages sont d’ailleurs encore visibles de nos jours. Lorsque l’eau est basse, on peut voir apparaître une série de petits monticules de pierres. Ce sont les vestiges de cet ouvrage. Les deux moulins sont mus par la vapeur mais là s’arrête la comparaison. Le moulin de Charlemagne est beaucoup plus imposant avec ses 200 employés contre 50 pour le moulin Cushing. Son emplacement est aussi beaucoup plus vaste, comptant un hôtel et des maisons pour les travailleurs, ce qui d’ailleurs donnera naissance au village de Charlemagne en 1870. Les équipements et le volume de bois traité (35 000 billots pour une valeur de 70 000 $/an) placent ce moulin parmi les grands complexes de l’époque. Le moulin fera l’objet de nombreuses transactions, mais dès 1926, il cesse ses opérations, victime de la guerre des grandes entreprises du secteur. La drave continue sur la rivière jusque dans les années 40, les billots étant chargés sur des barges pour être acheminés à Trois-Rivières. De ses vestiges naîtra le moulin à scie Villeneuve qui deviendra à son tour une institution. À l’origine, l’emplacement du moulin à scie Charlemagne et de la majorité des maisons du nouveau village sont reliés à la seigneurie de Lachenaie. Par contre, l’île Vaudry se trouve à Repentigny. En 1874, un décret rattache tous ces éléments à Saint-Paul-l’Ermite. La Place Yvon Plourde occupe aujourd’hui l’emplacement du moulin.

Moulin à scie Rivest

Un moulin à scie exploité par une famille qui en fera le cœur d’un développement domiciliaire

C’est en 1910 que naît cette petite entreprise familiale. Ce sont les deux frères Bourque qui mettent le premier moulin en place, sur la terre de leur beau-frère Joseph Rivest. Puisque le moulin est construit juste au nord de la voie ferrée, les billots arrivent des forêts environnantes par voie terrestre.

Le moulin est mû par un moteur électrique, ce qui constitue un choix avant-gardiste pour l’époque, car la plupart de ces petits moulins sont équipés de moteurs à essence. Il s’agit d’une troisième source d’énergie pour les moulins de Repentigny après le vent et la vapeur. Il faut savoir que l’énergie hydraulique ne sera jamais mise au service des industries locales.

Après une dizaine d’années d’exploitation, l’entreprise est transférée au beau-frère, Joseph Rivest, mais rapidement, elle est la proie des flammes. Rivest reconstruit le moulin, mais cette fois plus près du village, juste au nord de l’actuel boulevard Lacombe, au coin des rues de la Scierie et de la Pruche, nommées ainsi en rappel de l’essence la plus commune transformée dans ce moulin.

Dans les années 1930, en pleine période de grande dépression, ce petit moulin assez banal prend une plus grande importance en offrant du travail. Le propriétaire décide de lotir sa terre qui deviendra par la suite la rue Rivest. Il devient promoteur et constructeur domiciliaire, assurant ainsi non seulement des débouchés aux matériaux produits au moulin, mais également de l’emploi et du développement. Détruit par un incendie en 1970, le moulin ne sera pas reconstruit et le développement domiciliaire prendra alors toute la place.

Naissance de l’agglomération

Entre 1867 et 1869, la compagnie L’Assomption Lumber Co acquiert la terre no 2 du cadastre de Saint-Paul-l’Ermite, ainsi que l’île Vaudry, pour y construire un moulin à scie et y entreposer son bois. L’entreprise attire plus de 200 travailleurs qu’il faut loger. Certains optent pour les habitations de la compagnie, d’autres achètent des emplacements sur les terres voisines pour y construire leur maison.

L’agglomération s’organise

La nouvelle agglomération touche trois localités : Lachenaie, Repentigny et Saint-Paul-l’Ermite. Deux citoyens, Antoine Champagne et Félix Séguin, prennent les choses en mains. Le 19 mars 1874, un décret gouvernemental sanctionne l’annexion des terres nos 2 et 28 ainsi que de l’île Vaudry à Saint-Paul-l’Ermite. Cette étape ouvre la porte à la création d’une nouvelle agglomération à laquelle il faut donner un nom. Bien que l’appellation « Bout-de-l’Île » circule pendant un certain temps, le tandem Champagne-Séguin propose plutôt le nom de Charlemagne, l’appellation qui deviendra officielle en 1907. Après signature d’une convention devant le notaire Joseph Marion le 3 juin 1875, une « école modèle » est aménagée sur un terrain donné le 27 août 1876 par Antoine Desparois dit Champagne.

Services publics

De 1889 à 1906, le village de Charlemagne se dote de différents services : le téléphone (1889), la poste (1892), hôtels, restaurants, magasins généraux, boucheries, ateliers… L’électricité (1904) et l’aqueduc (1905) complètent le tout.

Vers l’autonomie

Charlemagne dispose ainsi des installations nécessaires pour devenir une municipalité à part entière. En 1906, un groupe de citoyens recueille les signatures des deux tiers des propriétaires et achemine au conseil du comté de L’Assomption une requête réclamant l’érection d’une municipalité séparée de Saint-Paul-l’Ermite.

Le notaire Paul-Arthur Séguin, fils de feu Félix Séguin, est chargé d’étudier le bien-fondé de la demande. Dans un rapport favorable, il détermine les limites de la future municipalité : superficie de « plus ou moins 555 arpents » comprenant « tous les lots du cadastre officiel de… Saint-Paul-l’Ermite, depuis et y compris le numéro un (1) jusqu’au numéro soixante-trois (63) ».

Un décret du gouvernement du Québec (Louis-Amable Jetté, lieutenant-gouverneur) sanctionne, le 13 novembre 1906, la création de la municipalité du « Village » Laurier.

Changement de nom

Dès sa deuxième assemblée le 14 janvier 1907, le conseil municipal achemine une requête au préfet du comté réclamant de changer le nom de « Village » Laurier en celui de municipalité de Charlemagne. Une des hypothèses concernant l’origine du nom est la suivante : le frère du premier ministre Laurier portait ce prénom.

Par un arrêté daté du 19 avril 1907, le gouvernement provincial accède à la demande, fixant officiellement le toponyme de Charlemagne. La municipalité obtient le statut de ville en 1969.

1854 – fin du régime seigneurial

Dans les basses terres du Saint-Laurent, où la tenure seigneuriale est en vigueur, il faut normalement deux ans à une famille pour défricher un hectare d’une forêt de feuillus et construire une cabane de bois, et cinq ans pour défricher les trois hectares nécessaires à l’autosuffisance. Une bonne partie de la production est consacrée à satisfaire les besoins des colons français et à s’acquitter des obligations, comme le paiement de la dîme et des droits seigneuriaux. Louis-Michel Viger est le dernier seigneur de Repentigny, et du côté nord de la rivière de l’Assomption, Aurélie Faribault agit à titre de seigneuresse de l’Assomption. Ceux-ci représentent environ 450 censitaires.
Par l’Acte abolissant les droits et devoirs féodaux dans la Province du Bas-Canada, adopté en décembre 1854, les seigneurs sont indemnisés pour la perte de leurs droits et, surtout, conservent la pleine propriété des terres non concédées. Deux choix s’offrent alors aux censitaires pour le paiement des cens et rentes seigneuriales : payer d’un coup l’équivalent de 17 années de rentes ou continuer de payer chaque année pour rembourser la dette. Alors que la situation perdure, le gouvernement du Québec adopte, en 1935, la Loi abolissant les rentes seigneuriales; il faudra attendre les années 1970 pour qu’en disparaissent les derniers vestiges.
Le régime municipal s’impose de manière plus importante en 1855, avec l’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada, jetant du coup les bases de notre Code municipal. Ceci permettra notamment la création d’une municipalité distincte pour Saint-Paul-l’Ermite en 1857. Un nouveau régime politique donnant plus de pouvoir aux citoyens est instauré et sera peaufiné au fil des ans.